Sur cette gouache, que j’ai réalisée pour la couverture de mon 2ème roman, De Saint-Malo à Savannah, j’ai voulu représenter l’Amazone, une frégate de 12 qui fut commandée par Jean-François du Galaup de la Peyrouse, devenu célèbre ensuite dans l’Histoire sous le nom de Lapérouse.
Ce navigateur attachant a disparu à Vanikoro à une date incertaine après avoir quitté Botany Bay, en Australie, en février 1788. Il commandait alors une expédition composée de deux navires. On les avait rebaptisés en les appelant « frégates » pour la circonstance, parce que c’était plus prestigieux, mais, comme le capitaine Cook, qu’il admirait beaucoup et dont l’Endeavour avait été un ancien charbonnier, Lapérouse avait préféré choisir deux petits navires de transport, le Portefaix et l’Autruche, des « gros ventres » comme les appelaient les marins, beaucoup moins fins de lignes et moins toilés que de vraies frégates mais moins fragiles et mieux adaptés, selon lui, aux aléas d’une navigation d’exploration au long cours dans des mers inconnues. Le Portefaix était devenu la Boussole et l’Autruche, l’Astrolabe.
Je ne prétendrai pas ici raconter à nouveau l’histoire de l’expédition de Lapérouse et de sa fin tragique, toutefois je peux affirmer que c’est indirectement grâce à lui que j’ai eu envie pour la première fois d’écrire des romans maritimes. En 1988, deux siècles après le drame de Vanikoro, alors que j’étais encore en activité, j’avais lu une biographie de Lapérouse écrite par l’Amiral Brossard. Je crois avoir lu toutes les biographies consacrées à Lapérouse, dont certaines ont été écrites par des anglo-saxons, ce dont nous pouvons être fiers, mais, à mon humble avis, aucune n’a égalé l’ouvrage de l’Amiral Brossard. Dans la bibliographie figurant à la fin du livre de l’Amiral, j’avais retrouvé les références du journal de bord personnel de Lapérouse lorsqu’il commandait la frégate l’Amazone pendant la campagne du comte d’Estaing au début de la guerre des Amérique en 1779. Au temps de Louis XVI tous les officiers, du Garde-marine au commandant, étaient tenus de rédiger un journal de bord personnel qui était remis à la Marine en fin de campagne.
Je m’étais donc rendu à la bibliothèque nationale qui se trouvait alors dans le deuxième arrondissement de Paris à l’ancien hôtel Tubeuf, un hôtel qui avait été jadis le siège principal de la Compagnie des Indes. Grâce à un diplôme universitaire m’autorisant à avoir accès aux manuscrits, j’avais pu m’installer dans une grande salle calme et silencieuse et sentant l’encaustique et, après avoir donné les références du journal de bord à un employé en veston, cravate et gants blancs, j’avais eu entre les mains un cahier cartonné aux pages jaunies dont la couverture avait une vague couleur verte délavée : le vrai cahier sur lequel le Lieutenant de vaisseau de Lapérouse avait rédigé son journal de bord personnel alors qu’il commandait la frégate de 12 l’Amazone en 1779. Quelle émotion !… des taches d’encres, une orthographe parfois surprenante, mais une grammaire impeccable avec des accords du subjonctif jaillis naturellement, au milieu de la prose technique, sous la plume d’un marin du 18ème siècle !
Il n’y avait pas de photocopieuses, ou c’était interdit, je ne me souviens plus. J’avais apporté de quoi écrire et j’avais passé l’après-midi à recopier à la main le journal de bord de Jean-François du Galaup de Lapérouse quand il avait commandé l’Amazone pour la campagne du comte d’Estaing. Je n’oublierai jamais cette journée.
J’ai, bien sûr, fait embarquer mon Laforest-Dombourg à bord de l’Amazone, sous les ordres du Lieutenant de vaisseau de Lapérouse pour cette campagne. L’Amazone n’avait rien d’un « gros ventre », elle, c’était une vraie frégate, une « frégate de 12 », comme l’Hermione, ce qui ne veux pas dire qu’elle avait 12 canons, en fait elle en avait 32. Je reviendrai plus tard sur cette singularité.
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