Le combat des Cardinaux

Dans mon premier roman, Le Bagne de Brest, j’ai introduit un récit du combat des Cardinaux : une défaite navale française survenue le 20 novembre 1759 face aux Anglais pour qui cette bataille est la victoire de Quiberon Bay.

Mon jeune Laforest-Dombourg interroge 18 ans plus tard un vétéran qui se trouvait à bord du vaisseau le Formidable commandant l’arrière-garde française. Le narrateur que j’imagine a une vision très partielle de ce qui pu se passer et, comme il a appris après-coup que huit de nos navires ont pris la fuite vers Rochefort dans la nuit du 20 au 21 et que sept autres se sont réfugiés dans la Vilaine, il en garde une certaine rancœur et son témoignage n’est absolument pas objectif. Si j’étais un historien on pourrait me le reprocher mais j’ai écrit un roman.

De nombreux historiens et conférenciers, tant français qu’anglais, ont décrit et analysé cette bataille, ses causes et ses conséquences. Je vais me contenter de présenter son cadre général à l’aide d’un extrait de la carte SHOM 7068 L (ci-dessous) et de ma connaissance personnelle des lieux car, mon voilier ayant son port d’attache dans la Vilaine, j’ai plus d’une fois croisé les rochers des Grands Cardinaux. N’oublions pas toutefois qu’en 1759 les navigateurs ne disposaient pas de cartes aussi précises que celles d’aujourd’hui et que les phares et balises n’existaient pas, tout cela devait être remplacé par des maîtres pilotes ayant une connaissance pratique des parages.

Le matin du 20 novembre 1759, une escadre de 21 vaisseaux et 4 frégates venue de Brest sous les ordres du maréchal de Conflans se présente au sud-ouest de Belle-Île (dans la marge gauche en bas de la carte ci-dessus). Le maréchal doit se rendre dans la baie de Quiberon (en haut à gauche) pour aller récupérer un convoi de navires de transport chargés de troupes que le gouvernement français voudrait débarquer sur les côtes du Royaume-Uni et de l’Irlande. Notre escadre ne sait pas qu’elle est poursuivie par une escadre anglaise de 27 vaisseaux et 6 frégates commandés par l’amiral Hawke qui a pour mission de détruire l’escadre française.

Au lever du jour les Français aperçoivent devant eux une petite division anglaise qu’ils décident de chasser ce qui les met en désordre et, lorsque vers 9h45 Conflans aperçoit les voiles de Hawke derrière lui, il décide de rentrer dans la baie de Quiberon en doublant les rochers des Grands Cardinaux et en espérant que les Anglais n’oseront pas le suivre, n’ayant pas de pilotes pratiques avec eux. Seulement les Français sont en désordre, ils perdent du temps parce qu’une partie de leurs vaisseaux doit se mettre en panne afin de se remettre en ligne et ils doivent réduire leurs voilures pour revenir au près bâbord amures alors que le vent souffle en rafales de l’ouest-nord-ouest. Hawke se passe de pilotes dans l’immédiat puisqu’il est derrière les Français, en outre on est en période de grandes marées, l’étale de basse mer est en milieu de journée et les principaux rochers seront alors bien visibles, ses vaisseaux forcent de voile au largue, ils rattrapent la queue des Français et le Formidable au sud des Cardinaux vers 14h50 et ils concentrent leurs feux sur elle : c’est un massacre. Vers 15h30 Conflans (qui se trouve à peu près au bout de la flèche que j’ai dessinée sur la carte) vire de bord pour faire front mais la manœuvre est difficile à cause de la météo. Lorsque la nuit tombe, à partir de 16h30 17h00 en novembre, le Formidable est hors de combat et s’est rendu, 4 de nos vaisseaux ont coulé ou sont échoués (celui de Conflans est échoué devant le Croisic), un vaisseau malmené par le combat est mouillé derrière la pointe de Penchâteau devant l’entrée du Pouliguen et les autres Français sont, soit en fuite vers Rochefort, soit mouillés en rade de Penerf en attendant la marée pour rentrer dans la Vilaine (en haut à droite de la carte). C’est un désastre.

La Météo.

J’ai pris cette photo au nord du phare des Grands Cardinaux le 20 octobre 2014 vers 10h00 à bord de mon voilier, Tamara. Il y avait alors un avis de grand frais à coup de vent en cours avec du vent ouest-nord-ouest force 7, des rafales montant à 40 nœuds et une houle de 3 m ; soit une météo à peu près identique à celle du combat du 20 novembre 1759, sauf que le phare n’existait pas et qu’on n’est pas à l’étale de basse mer sur ma photo. J’avais un petit voilier moderne de 2 m de tirant d’eau parfaitement manœuvrant avec 2 ris dans la grand-voile et une trinquette. Mais imaginons les effets d’un temps pareil sur un vaisseau à voiles carrées remontant mal au près, avec une mâture culminant à 70 m de haut et un tirant d’eau de 8 m, obligé en outre de manœuvrer pour combattre dans un espace réduit entre Penvins, l’île Dumet, le Croisic et le plateau du Four (cf. carte). Avec la gîte au près les vaisseaux ne pouvaient pas ouvrir leurs batteries basses. Plusieurs vaisseaux français et anglais ont pris ce risque et deux Français ont coulé bas parce que la mer était rentrée par leurs sabords.

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Goélette

J’ai déjà évoqué les frégates de 12, les chasse-marée et les lougres, tous des types de bâtiments sur lesquels j’ai fait embarquer mon…

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