Les gens de mer sous l’ancien régime.

La semaine dernière j’ai terminé la présentation de Scipion de Castries et de Cotignon en évoquant l’admiration sincère qu’ils avaient eue pour le courage et le dévouement des gens de mer servant sous leurs ordres. J’ai écrit gens de mer et non matelots parce que c’était vraiment une spécificité française.

En France, avant la Révolution, les équipages n’étaient pas constitués d’hommes engagés volontaires ou enrôlés de force comme partout ailleurs, mais de matelots classés. Tous les gens de mer du royaume étaient recensés et divisés en classes annuelles afin de servir à tour de rôle sur les vaisseaux du roi. Laissons Scipion de Castries nous expliquer comment cela fonctionnait : « Tout homme qui se destinait à l’état de marin était obligé à l’âge de seize ans d’en faire la déclaration devant le commissaire de marine de son arrondissement ; dès ce moment il était inscrit sur le registre des classes et il y était pour toute sa vie. Cette espèce d’engagement éternel (…) l’obligeait à venir s’embarquer sur les vaisseaux de guerre lorsqu’il était requis pour le service du roi. » Ces marins étaient soldés pendant ces périodes de service et en compensation ils bénéficiaient de certains avantages en matière d’emploi et de fiscalité ainsi que d’une Caisse des Invalides qui avait été créée pour eux.

Evidemment une majorité de conférenciers ou d’historiens français d’aujourd’hui nous expliquera que cela fonctionnait mal, que c’était une injustice, que les conditions de vie à bord des vaisseaux étaient effroyables et qu’il y avait une forte mortalité etc. Pourtant Cotignon nous décrit des matelots insouciants, chantant, dansant à bord et prenant la vie du bon côté et il n’y a aucune raison de douter de sa sincérité. Je pense seulement que la mentalité de ces gens de mer n’avait rien à voir avec la nôtre et qu’on ne peut pas les imaginer selon nos critères actuels. Pendant la guerre d’indépendance américaine ces marins classés ont fait preuve d’une combativité remarquable en dépit de pertes qui nous paraîtraient totalement insupportables aujourd’hui ; prenons seulement en exemple deux combats du vaisseau de 74 canons l’Annibal : en moins d’une heure à chaque fois, 59 tués au combat de la Grenade, 70 tués et 130 blessés au combat de la Praya ! Et c’étaient des victoires ! Nos grands-pères de la guerre de 14 étaient de la même trempe. Notre vie est beaucoup plus confortable de nos jours, Nous devons nous en réjouir mais cela ne nous permet pas pour autant de les juger. Je reviendrai une prochaine fois sur les matelots de l’Ancien Régime.

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Goélette

J’ai déjà évoqué les frégates de 12, les chasse-marée et les lougres, tous des types de bâtiments sur lesquels j’ai fait embarquer mon…

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